La French Tech Nantes boucle un mois d’ateliers dédiés à la parité. D’autres événements consacrés à cette thématique devraient se poursuivre tout au long du premier trimestre. Des ressources théoriques ont aussi été mises en ligne à travers des définitions et des portraits de femmes de la tech.

« Pour moi, le harcèlement de rue, c’est un homme qui t’alpague et qui te dit que tu es belle. Tu ne lui réponds pas, et il s’énerve en disant : « Tu pourrais sourire quand même ». Et comme tu ne réponds toujours pas, il finit par t’insulter », raconte une femme d’une voix claire. Elle fait partie d’une tablée comptant environ vingt femmes. Les récits qu’elles se racontent se font échos : « Il y a aussi les frotteurs dans les transports en commun. Surtout le matin », soupire une brune assise en bout de table. Plusieurs têtes opinent du chef et les regards entendus s’échangent.
Ces vingt femmes ne se connaissent pas, mais toutes sont venues assister à cet atelier du midi organisé par la French Tech Nantes sur le thème : « Comment répondre à une remarque sexiste ? »
Des ateliers dont certains en non-mixité choisie
Les motivations sont diverses, mais ces femmes veulent devenir actrices, ne plus être victimes ou spectatrices impuissantes. La présence des hommes n’est pas souhaitée à cet atelier. « Nous avons organisé une série d’événements autour de la parité, dont certains en non-mixité choisie », confirme Raphaëlle Gay, cheffe de projet entrepreneuriat et innovation à la French Tech Nantes. Elle poursuit : « La démarche n’a pas forcément toujours bien été reçue. J’ai eu des retours vociférant d’hommes qui s’indignaient de ne pas pouvoir avoir voix au chapitre. Il a pourtant été prouvé que sur certains sujets, la non-mixité permet de créer une safe place et de libérer la parole. »
Car libérer et permettre la parole est précisément le but de ce cycle d’événements autour de la parité. Tous ne se déroulent pas en non-mixité choisie et les sujets varient de « Comment se démarquer dans le milieu de tech quand on est une femme » à « Bien préparer sa négociation de salaire » en passant par une fresque du sexisme.
Encore peu de femmes dans le monde de la tech
Et pour cause, la tech semble avoir grand besoin d’ouvrir la parole sur ces thématiques. En décembre 2021, la part des femmes de l’ensemble des startups ne dépasse pas les 40%. A l’échelle du French Tech 120, qui rassemble les 120 startup les plus en croissance en France, on compte aujourd’hui 14 femmes fondatrices et CEO. Au sein du Next40, les 40 premiers du classement, aucune femme ne figure.
Welcome To the jungle, dans son manuel pour augmenter la place des femmes dans la tech indiquait que, dans les écoles informatique, seulement 1 diplômé sur 10 était une diplômée.
Néanmoins, si ces chiffres sont toujours aussi préoccupant, ils sont connus depuis longtemps, alors, pourquoi s’emparer du sujet maintenant ? « En règle générale, les startup sont assez engagées sur les sujets sociétaux comme l’environnement ou la parité. Mais dès qu’il y a une crise, elles vont naturellement revenir sur le volet purement business et mettre de côté les aspects sociétal et environnemental », relate Raphaëlle Gay. « Donc on peut avoir tendance à reculer par rapport aux avancées qu’il y a pu y avoir. Et, nous, à la French Tech, on veut appuyer sur la parité pour remettre l’église au milieu du village. »
Des définitions et des portraits
Et pour replacer la parité au centre des préoccupations, créer des contenus est apparu comme l’une des démarches clés pour sensibiliser et éduquer, notamment à travers un travail de définition. On peut effectivement voir sur le site de la French Tech Nantes la définition de termes comme « biais cognitif » « tuyau percé » ou encore « falaise de verre ». Toutes ces expressions correspondent à des situations précises vécues par les femmes.
Par exemple, la falaise de verre est la propension à faire accéder les femmes à la direction quand une entreprise traverse une mauvaise période et où le risque d’échec est très élevé. « C’était important d’expliquer tout ça. Parce que généralement, on connaît les chiffres, mais on ne voit pas bien quels phénomènes se cachent derrière. Et puis, je pense qu’à partir du moment où on connait les termes, on y fait plus attention dans nos vies professionnelles », souligne Raphaëlle Gay.
Des portraits de femmes dans la tech locale sont aussi consultables sur le site. On retrouve des personnalités comme Capucine Coudrier, fondatrice d’Ovaires The Rainbow et d’Oduna, une agence de communication responsable à Nantes, ou encore Coline Mazeyrat, fondatrice de Jho et figure de la Femtech nantaise, l’idée étant de servir de rôles modèles.
Une étude pour faire l’état des lieux des startup en Pays de la Loire
Un autre volet consiste en la réalisation d’une étude à laquelle les entreprises sont invitées à contribuer pour faire l’état des lieux de la situation de startups dans les Pays de la Loire via un Observatoire : « Le but est d’établir un gender score dans les startups. Ensuite, il s’agira de savoir s’il y a des politiques qui sont mises en place dans les entreprises pour sensibiliser à ces enjeux-là : si oui, quoi ? Si non, pourquoi ? ». A partir de là, Raphaëlle Gay espère bien réussir à former « un premier noyau de personnes sensibilisées et intéresser pour travailler sur la parité pour avoir des ambassadrices et ambassadeurs et avancer sur tous ces sujets.»
Les entreprises sont également conviées à signer le « Pacte parité », qui a été établi par la French Tech au niveau national, pour intégrer un réseau engagé sur le sujet.
Marie Roy