rouge
orange
marron
vert
bleu
Accueil / Conseil / Marque / « Pour que l’engagement soit possible en entreprise, il va falloir changer notre vision du business », Capucine Coudrier
Conseil / Marque decoration decoration

« Pour que l’engagement soit possible en entreprise, il va falloir changer notre vision du business », Capucine Coudrier

decoration

Capucine Coudrier est la cofondatrice de la nouvelle agence de communication nantaise Oduna. La particularité de la structure est d’être responsable. La jeune femme interviendra le 6 juin au festival Et demain ? de la Cantine numérique. Portrait d’une communicante engagée.

Capucine Coudrier, cofondatrice de l’agence Oduna.

Depuis quelques mois, une nouvelle agence de communication a fait son arrivée sur la place nantaise. Elle se nomme Oduna et sa particularité est d’être responsable, ce qui signifie qu’elle accompagne ses clientes et ses clients vers une communication plus inclusive et alignée sur les enjeux sociétaux et environnementaux d’aujourd’hui.

Par exemple, pour la partie environnement, Oduna propose des sites éco-conçus, un hébergement vert. De même, le matériel acheté est du reconditionné. Côté féminisme, l’écriture inclusive est systématiquement suggérée au client : « On propose, on n’oblige absolument pas. L’idée est plutôt d’être dans une posture pédagogique et éducative. On explique au client ce que ça peut leur apporter et s’il ne veut pas d’écriture inclusive, on va tout de même essayer de trouver les formules les plus neutres possibles », indique Capucine Coudrier, cofondatrice, avec Maxime Sichet, d’Oduna.

L’engagement collé à la peau

Et peut-être que le nom de Capucine Coudrier ne vous est pas inconnu, car la jeune femme, du haut de ses 24 ans, a déjà quelques réalisations importantes à son actif : elle est en effet derrière l’instamédia @ovairestherainbow qui a pour but d’informer sur les actualités féministes et LGBTQ+ et le podcast du même nom. Elle est également l’auteure de l’ouvrage « Qui suis-je ? Corps, sexe, relations, identités : toutes les réponses à tes questions » (Leduc.S, 2023). Et c’est donc logiquement que ces engagements se retrouvent dans l’ADN d’Oduna.

Pour comprendre le sens de l’engagement de Capucine Coudrier, il faut remonter quelques années en arrière. La ligérienne, alors étudiante en master Communication et médias à Audencia SciencesCom, décide de lancer son podcast : « C’est vraiment pendant mes études supérieures que je me suis ouverte au féminisme. J’ai ensuite eu envie de trouver un moyen d’aider à faire en sorte que les personnes  comprennent ce qu’est le féminisme, pourquoi c’est important de donner la parole aux femmes ».

Car, au moment où elle se familiarise au féminisme, Capucine Coudrier fait un constat : « Je trouvais que la parole des femmes n’était pas mise en valeur dans les médias traditionnels ». Alors ni une ni deux, l’étudiante lance son podcast et un Instamédia. Les deux auront le même nom, Ovaires The Rainbow. Le premier parlera des actualités féministes et LGBTQ+ quand le second sera consacré à un témoignage fort d’une femme sur un vécu particulier.

L’importance de témoigner

La création d’Ovaires The Rainbow correspond à une autre période sur le plan personnel pour Capucine Coudrier, celle où elle prend conscience d’avoir été victime, entre ses 15 et ses 18 ans, de violences conjugales. Les faits se déroulent pendant les années lycée. «  Ça se traduisait par des violences psychologiques et notamment de l’emprise. C’est-à-dire qu’il y a une personne dans le couple qui va dominer l’autre ; la manipuler, l’isoler, l’éloigner des autres, lui faire prendre confiance » ; relate Capucine Coudrier d’une voix calme, de celle qui a fait le chemin, accepté et digéré le passé. Elle poursuit : « J’ai aussi vécu des violences physiques, le fait de pincer, jeter des objets, pousser. Je n’ai jamais vécu de claques ou de coups de poing, ce qui a contribué au fait que pour moi, je ne vivais pas de violences conjugales. »

Capucine Coudrier appuie d’ailleurs sur ce point en particulier : « J’insiste parce que souvent les gens ont une idée très précise de ce que sont les violences conjugales : il s’agit forcément d’une femme battue avec un cocard et en sang. Alors que non. Mais, vu que c’est ce qu’on nous montre dans la communication, on ne se reconnaît pas du tout en tant que victime et c’est problématique ». Ce qui contribue à donner la force et la motivation à Capucine pour solliciter les médias et témoigner de son histoire. Elle passe même le pas de  consacrer un épisode de son podcast aux violences conjugales qu’elle a subies quelques années plus tôt.

Par la suite, en 2021, Capucine commence également à sensibiliser les jeunes dans les établissements, qu’ils soient collégiens ou étudiants. Et, si aujourd’hui Capucine n’a pas la voix qui tremble quand elle raconte son histoire, elle précise toutefois avoir « commencé à témoigner de tout ça quand j’avais fait le travail avec un psychologue, un sexologue, bref, tout un tas de professionnels de santé. J’étais à l’aise avec mon histoire et j’avais le recul nécessaire, selon moi, pour en parler ».

Créatrice de contenus ou agence de communication ?

Parallèlement à ses engagements, arrive, dans la vie de l’étudiante, le moment de faire un choix dans son orientation. Faut-il devenir créatrice de contenus à plein temps ou se consacrer à faire de la communication à travers une agence ? « Il y avait évidemment la problématique de gagner ma vie. Et faire de l’argent avec de la création de contenus, ce n’est pas si simple, surtout quand on a un angle engagé et éthique », appuie Capucine avec une pointe de regret résolue dans la voix. Elle ajoute avec une moue entendue : « D’autant que les marques éthiques et engagées n’ont souvent pas de budget pour appuyer des créatrices de contenus. »

Finalement, Capucine opte pour la création d’une agence, qu’elle lance avec Maxime Sichet, son partenaire à la vie comme à la ville. « Maxime a aussi fait des études dans la communication et on est finalement très complémentaire ». La jeune femme peut donc travailler à la fois dans son agence et sur Ovaires The Rainbow. « Et Oduna, ce n’est pas juste pour avoir un revenu stable, j’adore ce qu’on fait et j’aime beaucoup nos clients qui sont engagés ou non. »

Car Capucine Coudrier et Maxime se retrouvent, de fait, avec des clients engagés et en phase avec leurs engagements (Jho, Noire ô Naturel, Iki Iki) et d’autres qui en sont éloignés. « On a notamment pas mal de références dans le bâtiment, mais c’est une clientèle sympa et même s’ils ne sont pas forcément engagés à la base, on essaie de les sensibiliser. »

Pour sa première année, Oduna vise un chiffre d’affaires de 80 000 euros. « Et pour l’instant, on n’est pas trop mal partie », précise-t-elle en riant.

Engagement et business sont-ils compatibles ?

Finalement la grande question du parcours de Capucine est la même que celle qui semble sceller le destin d’Oduna : l’engagement est-il soluble dans le business ?

À cette question, Capucine Coudrier a une réponse bien tranchée : « Je pense que oui, mais il faut changer notre vision du business. On a cette image de la startup nation, de l’idée de devoir faire des projets scalables à l’infini et faire des millions d’euros. Et que si tu n’a pas ça, ton projet ne vaut pas le coup », s’exclame Capucine avec une lueur convaincue brûlant dans ses iris sombres. Pour elle, l’entreprenariat ne peut se réduire à ce que peut rapporter un projet. « C’est important de se dire qu’on peut avoir un business qui fonctionne en étant engagé, mais tout dépend de ce qu’on considère quand on parle de business qui fonctionne. Est-ce que c’est réussir à en vivre et le faire grossir tranquillement ou est-ce que c’est doubler, tripler, quadrupler le chiffre d’affaires tous les ans ? Et si on se situe dans la deuxième option, quel est le but d’un tel raisonnement ? »

Pour l’avenir, Capucine reste optimiste même si elle s’interroge : « Est-ce qu’on s’en sortira avec Oduna ? Ça je ne sais pas, c’est le challenge de ces deux prochaines années ». Rendez-vous est donc pris dans deux ans.

Marie Roy

Capucine Coudrier interviendra le jeudi 6 juin à l’occasion de l’événement Et demain ? organisé par la Cantine numérique. Elle prendra la parole sur le sujet « Être créatrice et créateur de contenus, récit d’un nouveau métier ».

Tous les articles